Dégustation à l’aveugle au Barbecue de l’ASNCAP par Julia Scavo

Pendant notre BBQ de cette année, nous avons dégusté comme d’habitude des vins amené par les membres à l’aveugle et chacun à pu donner son avis et ses commentaires. 

Merci à tous qui ont osé se mouiller.  

L’effort d’humilité que l’exercice la dégustation à l’aveugle implique au caractère formateur de ce type de dégustation.

 

Voici les commentaires avisés de Julia Scavo:

  1. Côtes du Roussillon Rosé 2016, Mas Janeil

Propriété de 24 ha appartenant à François Lurton, nous sommes ici dans la vallée de l’Agly, entre Maury et Tautavel. Vinificateur aux quatre coins du monde, François Lurton décide pour cette cuvée de travailler « Sans souffre » ajouté. Le résultat reste net, bien qu’on sente l’esprit non interventionniste. Le fruit est primaire et original mêlant la pomme acidulé, légère touche de cidre et parfums de framboise. Frais, croquant, malgré une pointe de générosité sudiste, un vin qui se porterait bien après un moment d’aération. Je le verrais bien en compagnie d’un gaspacho tomate-fraise.

 

  1. Corse Sartène Rosé 2016, Castellu di Baricci

 

A l’aveugle on le croirait plus proche de notre région, par sa robe pêche pale. Mais le nez se livre intense et typé, qui n’est pas sans rappeler certains Mourvèdre de l’Amphithéâtre de la Cadière d’Azur ! On comprend pourquoi, la topographie s’y rapproche : au pied de la montagne Cagna et à 5km de la mer, en coteaux. Ce qui change c’est le sol sablo-limoneux et surtout l’original Sciaccarello complété d’une pointe de Nielucciu, en saignée. Nous sommes en Corse, dans la vallée d’Ortolo. Epices, poivre blanc se mêlent à un fruit doux et gourmand qui sent bon la pêche de vigne sur fond floral. Charnu, accompagné de fraîcheur et généreux à la fois, il s’enveloppe d’une texture satinée, plaisante. Fruité et croquant, il nous plaît dès à présent avec un tartare de dorade.   

 

  1. Sancerre « Mélodie de Gustave Fouassier » 2012, Domaine Fouassier

Une surprise ! Ce domaine familial qui travaille en biodynamie casse les codes du Sancerrois avec une harmonie presque musicale ! Nous avons pour la plupart des cas l’habitude des parcelles qui mettent en valeur un seul type de sol… en revanche ici la partition se joue sur les trois terroirs essentiels du Sancerre : silex, calcaires et Kimmeridgien ! On y ajoute une note de plus avec une vinification en fût qui s’accorde avec un séjour sur lies pour une gamme aromatique originale ! Le vieux Sauvignon Blanc de 40 ans quitte le variétal pour donner une inspiration aromatique faisant parler le melon, la pêche, la mirabelle sur fond de vanille, crème et gingembre. Intense, complexe, surprenant. De fraîcheur animée et à la texture soyeuse, son corps ample et crémeux se structure d’une lège touche pseudo-tannique apportée par l’élevage. Aromatique, riche, épicé, à la finale longue, anisée. Nous étions bien plus sud à l’aveugle, cherchant sur les hauteurs Catalanes ! Le verdit tombé, je le marierai volontiers avec un ris de veau caramélisé aux agrumes et gingembre !

 

  1. Estate Chardonnay 2015 Californie De Loach Vienyard, Etats Unis

Appartenant à la famille Boisset qui applique une viticulture certifiée Demeter en biodynamie ( !), De Loach Vineyard se positionne comme un pionnier des cépages Bourguignons dans la Russian River Valley, en Sonoma, Californie. Mais aussi fraiche que cette vallée soit recevant les brises océaniques par le Petaluma Gap, les amateurs de Côte d’Or sont dépaysés. Prononcé, crémeux, très « peachy » avec des notes douces d’abricot, de fruit exotique, de mandarines, vanillé et chaleureux par son caractère mur. On se croyait presque en Vallée du Rhône, mais le caractère variétal du  Chardonnay est bien définit. Riche, à la fraicheur fondue, généreux, il montre un fruit doux, presque tropical, épicé, finissant sur une rétro-olfaction de crème pâtissière à la vanille. Au domaine on y propose un cake de crabe et St. Jacques au dressing au gingembre… Ou pourquoi pas un curry de poulet à la mangue !

 

  1. Chablis 2012 Domaine Garnier&Fils

Deux frères entre vallées et clochers, sur un patchwork de terroirs dans le Chablisien. Un exemplaire village surprenant. Nous sommes néanmoins moins dépaysés, car de suite l’aération faite, nous trouvons une évolution plaisante qui donne voix au caractère iodé, pierre à fusille, très pierreux, avec un pointe végétale et une nuance de citron. Très pur, à l’acidité cristalline, il mêle ses saveurs marines et terriennes aux notes d’agrumes et de pêche acidulé, pour une finale rappelant la croute de pain et la coquille d’huitre. Long, semblant plus jeune, plus tonique au palais, je lui réserverais de grosses palourdes crues, émulsion citronnée.

 

  1. Bellet Blanc 2016Doamine du Tosac

On n’aurait pas dû se laisser surprendre par ce choix, car l’évènement avait lieux au pied de la colline belletane. Pourtant…Le style du domaine piloté par Bernard Nicoletti évolue depuis quelques années vers des blancs d’une aromatique exubérante, ou le Rolle prend des accents floraux de rose blanche, de pêche presque musquée. J’étais tentais de l’approcher à l’aveugle de certains muscats secs du sud.  En bouche il s’offre frais, soyeux, aux notes d’agrumes et finale aux jolis amers de zestes. Pour un ceviche !

 

  1. Chenin Blanc Stellenbosch 2015, De Trafford, Afrique du Sud

Situé dans une vallée qui plonge de manière dramatique de ses 380 m de haut sur de la roche d’origine granitique, Le domaine enchante toujours par ses étiquettes artistiques signées Rita Trafford. Aussi par ses vins…Le Chenin Blanc, fleuron d’Afrique du Sud, cépage le plus planté du pays s’offre ici en version élevé en fut, ce qui ajoute une pointe de crémeux au nez qui est riche de notes de pomme, de pêche sur fond pierreux. Un olfactif mur, à l’image de ses granites solaires, rougeâtres comme de feu ! Longiligne et frais, mais généreux à la fois, il finit sapide et digeste. Pour faire local, à marier avec des samoussas !

 

  1. IGP Côtes Catalanes Rouge « Cailloux » 2005 Domaine de la Serre

On se croyait au Priorat, avec des grenaches qui sent la fleur et le graphite en vieillissant. Nous n’étions pas loin, à travers la frontière. Un vin plaisant dans son évolution, qui reste encore riche et intense, épicé, de corps mais avec une pointe de fraîcheur. Le tanin est fondu, le vins est à boire et tant qu’à faire, réservons lui des brochettes de poitrine de porc, aux essences de sauge.

 

  1. Arbois Ploussard 2010 Paul Benoît&Fils

Le vin du Président. On s’était tous fait avoir, par sa robe vermillon assez pale et son énergie. Le nez semblait confit, plus évolué, avec les parfums sauvages typiques du cépage. La bouche se montrait plus soutenue, avec des tanins fermes, fraicheur, finale aux parfums doux de pate de coin… Droit, car le vin d’Arbois plus on en boit, plus on va droit ! Droit vers une côte de veau au sautoir…

 

  1. IGP pays d’Oc Rouge « Chemin du Moscou » 2014 Domaine Gayda

L’identification paraissait facile, tant la robe noire encre dévoilé un nez typé de Syrah, profond, aux fruits noirs concentrés tels la mure épicée de poivre et réglisse sur fond éthéré de violette aux nuances de cuir fumé en toile de fond. Frais aux tanins fermes et texture élégante, épicé, juteux, finissant sur des amers de marasque. Ca sentait un peu Vallée du Rhône Nord, mais voici la Syrah complétée pour les 40% restants par du Grenache et du Cinsault. Nous sommes à Moscou, nom du lieudit cadastral, quelque part entre la Livinière et les crus des Côtes du Roussillon Villages ! En altitude, mais pas en Rhône Nord. Agriculture biologique, modernité et identité du terroir au domaine Gayda. On peut attaquer le BBQ de Theirry !

 

  1. Karas 2015, Région Armavir, Armenie

Conseillé par Michel Rolland, voici le plus large domaine du Caucase ! Ici les cépages occidentaux dominent – Syrah, Tannat, Cabernet Franc, Petit Verdot, alors que la touche locale est apportée par le Kondoghni. L’apparence est aussi très familière, un peu comme les Syrah -Cabernet dans certaines zones de la Provence. En tout cas mon idée s’orientait vers cela… Car le nez est concentré et intense, aux fruits noirs tels la cerise sauvage, la mûre, le cassis, très Syrah poivrée avec une touche douce de coulis de fruits rouges aussi. Juteux, épicé et équilibré par la fraicheur, aux tannins importants mais enrobés, sa finale est savoureuse teintée de poivre. Ça donne quand même une impression d’altitude dans l’expression intense du fruit et l’acidité digeste et intégrée, ce n’est pas la Provence mais l’Arménie ! Les arméniens préparent d’extraordinaires barbecues, mais ce vin se prête aussi au notre, ou alors essayons un magret de canard, réduction de vin rouge aux épices.

 

  1. Châteauneuf- du-Pape Rouge Mas Saint-Louis 2012

Sur le secteur sud de l’appellation hormis une parcelle de Syrah, ses terroirs aux noms typiques de « Crousroute » et « La Lionne » mélangent texture légèrement sablonneuse avec les fameux galets roulés. Ce ne sont pas les vrais sables du secteur nord, mais les grenaches largement majoritaires prennent une finesse remarquable et des airs floraux, de rose fraîchement coupée qui se mêle à la griotte, sur fond sauvage, sanguin et nuances d’épices douces. On aurait dit un Cinsault qui « pinotte » !En bouche ce Châteauneuf livre fraîcheur et texture soyeuse, tannins élégants, flaveurs épicés, de poivre aromatique emprisonnés dans la chair juteuse qui donne sensation de cerise gourmande jusqu’à la finale longue, parfumée. Je lui accorderais bien une poitrine de pigeon à la goutte de sang, griotte et betteraves en textures, cuisse en cromesquis pané de pistaches.

 

  1. Malbec Reserva 2014, Bodega Piedra Negra, Valle de Uco, Argentine

Au sommet de la collection Lurton en Argentine, la Bodega Piedra Negra se situe dans la Haute Vallée de Uco à environ 1100 m d’altitude aux pieds des Andes. Uco Valley est la zone à découvrir en ce moment, épicentre des expérimentes viti-vinicoles sur un terroir à l’extrême. Piedra Negra est la cuvée iconique de François Lurton qui à partir du 2012 a aussi donné le nom à sa Bodega en référence aux pierres noires du cru Vista Flores. Ici le cépage fétiche de l’Argentine donne un nez fin, frais de cassis et de cerise, aux allures de violette et de menthe, d’eucalyptus. Avec une pointe de vanille, des épices aromatiques et du poivre moulu, il séduit par son intensité et la définition de ses arômes de bonne complexité. Un palais doté d’une fraîcheur pure et animée, tannins enrobés, présents et murs, une chair en soie et une aromatique qui va de pair avec le nez jusqu’à la finale longue et épicée. Nous pouvons à nouveau retrouver le barbecue, comme un rêve d’assado, ou alors tenter un tournedos de canard, laqué à la réduction généreuse de cassis, polenta crémeuse.