Définition du LITTRÉ : ( b. lat Saumalarius de salma ) celui , celle qui a la charge de la vaisselle, du linge, du pain, du vin, etc.
Définition du Petit Robert : 1316 « Conducteur de bête de somme », Anciennement, personne qui a la charge de la table et des vivres dans une maison, dans une communauté. – Spécialt. Echanson. Moderne: 18 12, personne chargée de la cave, des vins dans un restaurant.
La charge d’échanson, aux premiers siècles de notre histoire, représentait un des grands Offices que les Mérovingiens et les Carolingiens avaient empruntés à la Rome Antique. Le roi Philippe V consacre le nom de sommelier par une ordonnance de 1318. L’apparition des premiers restaurants après la Révolution, consacre les talents des sommeliers, responsables du service des boissons. Puis l’art de la gastronomie au XIXème siècle, la Belle Epoque, honorent le métier du sommelier. Un métier difficile, prenant, parfois envahissant, représenté par des gens d’un âge mur , un métier qui voit s’éloigner la jeunesse et qui disparaît presque vers les années 1970. La ténacité de certains comme celle de Jean Frambourt, président de la sommellerie Internationale, de la regrettée Odette Kahn, directrice de « la Revue des Vins de France », de grands professionnels qui crurent en la formation au sein de l’Éducation Nationale, de professeurs motivés et compétents, de maître d’apprentissage attentifs, redéveloppèrent cette profession exsangue. La sommellerie attire désormais beaucoup de jeunes; une cure de jeunesse mais aussi un renouveau dans les savoirs, une volonté d’évolution. Une profession sauvée mais victime de la tourmente économique, une profession qui se défend, prouve ses compétences et justifie son existence par la rentabilité qu’elle apporte à l’entreprise.
Le sommelier, où le rencontrer
Généralement dans la cadre d’une salle à manger d’un grand restaurant, au niveau de la restauration dite classique, dans les restaurants étoilés ou renommés. Parfois, et de plus en plus souvent désormais, dans un bistrot à vin, version moderne des winstub alsaciennes, dans un restaurant de moindres prétentions mais dont le service des vins reflète un souci de recherche de qualité, dans les différentes régions viticoles. Partout ou la nécessité d’un spécialiste pour la vente des vins se fait sentir. Par extension vous le rencontrerez aussi dans les boutiques à vins, dans les animations de magasins de grande distribution. Sommelier, sommelier-caviste, maître d’hôtel-sommelier, tous unis par l’amour du vin.
Un homme de contact, aimant les gens, maître de lui, sachant réprimer ses humeurs, masquant sa fatigue et ses soucis. Attentif, à l’écoute des autres, précis dans ses gestes techniques, rapide, organisé, vigilant, sobre.
Le sommelier, employé de restauration chargé du service du vin et autres boissons, est avant tout un homme de service. Cette définition succincte, reconnue de tous, se dilue trop souvent dans les diverses applications du métier. L’élément le plus important pour le client n’est ni sa connaissance des vignobles, ni sa pratique de la dégustation, ni sa gestion de la cave, ni sa bonne application de la réglementation, ni ses distinctions et concours remportés, mais tout simplement ce que beaucoup oublient trop souvent: La satisfaction du client.
Cet homme ou femme est au service de la clientèle du restaurant. Sa mission, en accord avec sa direction , consiste à proposer un choix de vins appropriés aux mets retenus par le client, à les servir dans des conditions optimales de qualité, de température de consommation et de respect des règles de service. Pour maîtriser cette compétence globale, le sommelier doit acquérir un certain nombre de savoir-faire et de savoir-être. Ces connaissances bâtiront le socle de la culture du sommelier et le transformeront en homme de service efficace et apprécié de ses clients. Il fidélise ainsi la clientèle de l’établissement. Des savoirs encyclopédiques et techniques au service du client et non pour la gloire et la vanité de l’homme du vin.
LE SOMMELIER, homme aux multiples métiers
Métier aux multiples visages, aux domaines variés pour une prestation assez courte dans le temps puisqu’elle ne se dévoile que le bref instant d’un service de restaurant. Compétence principale: « le service des boissons au sein d’une salle de restaurant ». Présenter la carte des vins, conseiller le client, proposer le meilleur accord mets/vins , servir les vins et boissons sélectionnés à la température de consommation, dans une verrerie adaptée . Pour une réalisation optimale de ces différentes facettes, un important travail en amont s’impose.
Tout d’abord sélectionner les vins à proposer sur la carte. Le sommelier va utiliser ses compétences d’organisateur et de dégustateur. Rechercher des fournisseurs, qu’ils soient vignerons, négociants ou grossistes. Se déplacer ou regrouper des échantillons afin de procéder à l’analyse sensorielle des vins retenus. Ces vins choisis en raison de leurs qualités gustatives, de leur rapport/qualité prix, de leur éventuelle évolution, de leur accord avec la cuisine de l’établissement; il faudra alors les stocker dans des conditions optimales de conservation et d’évolution. Ici le sommelier-gestionnaire intervient. La gestion de la cave d’un restaurant nécessite des compétences particulières et variées. Organiser le rangement en fonction des différentes contenances des bouteilles, des vins de régions multiples, de types variés.
Le choix de la commercialisation des différents vins est déterminant. le sommelier projette l’image du vin dans l’avenir, prend la décision de mettre à la vente ou de conserver encore quelques années pour attendre le moment d’apothéose de ce cru. L’investissement financier peut être énorme et les erreurs ne sont pas possibles. Cette cave peut aussi constituer un « trésor de guerre », une garantie auprès des banques : posséder dans sa cave de vieux millésimes de Romanée-Conti ou de Château Laffite-Rothschild vaut parfois mieux que quelques actions en Bourse. La renommée du restaurant peut également en dépendre.
La cave garnie avantageusement, la rédaction des supports de vente s’impose. Ici la connaissance des différents vignobles français et mondiaux va devoir se doubler de la connaissance de la réglementation des vins et eaux-de-vie. Classer les vins par catégorie, par type, par région, par contenance. Le législateur ne tolère aucune incertitude, aucune inexactitude.
Pour réaliser cet outil de vente, le sommelier se cadre par rapport à : son établissement la gamme des prix proposés, le type de clientèle, la cuisine servie, la situation géographique, l’originalité. Un client ne comprendrait pas qu’un restaurateur bourguignon ne lui suggère que quelques vins de cette région mais présente une sélection de nombreuses références bordelaises.
Les vins à vendre, enfin retenus par le sommelier, la composition de la carte peut prendre forme. Fixation des prix, en accord avec la direction. Etape délicate définissant la politique commerciale de l’établissement et influençant fortement les ventes futures.
Puis le sommelier vendeur. Une vente délicate car le produit n’est pas à tester par le client immédiatement, il le sera mais une fois l’acte de vente établi. Toute la culture du sommelier intervient. Psychologie d’abord, feeling diront certains. Comme tout vendeur, ressentir les besoins du client, définir en quelques minutes (les autres tables attendent aussi le conseil de l’homme de l’art) le pouvoir d’achat, les goûts personnels, l’accord le plus harmonieux avec les plats commandés, l’envie de découverte ou la sécurité des règles établies.Il évite de s’appuyer sur ses goûts personnels, la maîtrise de la connaissance des vins spécifiques n’est pas identique pour un professionnel du vin et pour un amateur, même averti. Un choix personnel, donc professionnel peut ne pas correspondre à l’attente du client, à ses sensations. Par contre, toute la technique repose sur le pouvoir de susciter l’envie du client curieux ou fin gourmet. Durant l’acte de commercialisation le sommelier évite un autre piège, celui de la vente forcée: A la demande d’une bouteille de champagne, il ne répondra pas par la proposition d’une cuvée de prestige millésimée, cette proposition onéreuse, gonflant son chiffres d’affaires, aurait pour conséquence la perte d’un client dans l’impossibilité de refuser publiquement cette offre devant ses invités! Suggérer sans jamais imposer.
Autant de paramètres facteurs de réussite ou d’échec dans la recherche de la satisfaction du client. Ensuite développer les arguments de vente grâce à la connaissance parfaite des vins proposés, la spécificité des différents millésimes suivant les régions, la particularité des cépages producteurs, la singularité d’élaboration du vin. Puis conclure la vente. Cet acte de vente se déroule dans la langue du client, polyglotte tu seras donc obligatoirement Dans cet instant de conseil c’est tout l’art du sommelier qui se dévoile.
Là se découvre la passion de l’homme du vin, sa richesse intellectuelle, sa culture vineuse, sa sensibilité organoleptique. Moment fugace mais sans lequel aucun ne souhaiterait exercer ce métier. Ici la représentation commence, le sommelier devient acteur, c’est l’aboutissement de sa préparation, la consécration dans l’application des savoirs-être et des savoirs faire. Suggérer un vin spécialement pour ce client, dans la recherche de l’harmonie gastronomique totale. Quel pouvoir en définitif sur le consommateur ! Réussir, c’est la félicité, la satisfaction assurée du client.
L’instant du service devient alors capital. Mettre le cru sélectionné dans des conditions optimales de température en fonction du profil organoleptique du vin. Préparer la table du client , lui choisir une verrerie de qualité adaptée au choix du vin et enfin servir. Faire découvrir le vin conseillé, l’expliquer, le commenter. Apporter toute son attention à la satisfaction du client, au respect du vin et du travail du viticulteur. Surveiller l’évolution de la température du vin servi tout au long du repas. Poursuivre le service sans jamais oublier le leitmotiv : « satisfaire le client ». Ses compétences ne s’arrêtent pas là , puisqu’il est aussi responsable du service des liqueurs et eaux de vie, et qu’entre souvent dans ses prérogatives le service des cafés et des cigares. Homme aux multiples facettes !
Le client est un consommateur, il est Roi, dit-on, habituellement dans le commerce. Au restaurant aussi, et si la demande paraît parfois incongrue le sommelier doit se plier aux exigences de la clientèle.
Notre savoir et notre culture s’appliquant au désir des consommateurs et non l’inverse. La demande d’un soda avec un foie gras poêlé interpelle le sommelier, lui montre le long chemin qui lui reste encore à parcourir pour éduquer le goût de ses clients, lui permet peut-être d’essayer de faire découvrir autre chose à son interlocuteur mais ne doit pas l’enfermer dans sa sphère et lui faire refuser le service de » l’infâme boisson. »
Cette masse de connaissances nécessaires à la bonne pratique de son métier entraîne le sommelier sur des terrains de savoirs différents : l’histoire des vignobles, l’histoire de France mais aussi de l’Europe et du monde, la géographie, l’ampélographie (connaissance des cépages), les notions d’oenologie afin de dialoguer avec le viticulteur et de mieux appréhender les vins dégustés, la géologie, la législation relative aux boissons, la connaissance de tous les vignobles et des vins produits. Pour la France cela représente plus de 400 appellations à situer, pour lesquelles cépages, sol, élaboration, caractéristique, typicité, particularité des différents millésimes doivent être mémorisés. Sans oublier la gestion, l’organisation du travail.
Cette somme de connaissances technologiques alliée à la pratique professionnelle entraîne les sommeliers à se mesurer lors de concours professionnels. Pour le vainqueur,enfin la consécration , la reconnaissance par ses pairs, la fin d’un anonymat, la mise en évidence de ses savoirs. Une forte motivation pour les autres lauréats, une mobilisation des professionnels de la restauration, une mise en avant de la profession. Tous peuvent concourir, des jeunes sommeliers encore en formation scolaire, aux jeunes professionnels, aux professionnels avertis, ses derniers pouvant se mesurer aux professionnels européens ou mondiaux. Il existe des concours pour chaque catégorie de sommelier grâce à l’Union de la Sommellerie Française. et à des partenaires soucieux de renforcer l’image de marque de la sommellerie. Exit l’image d’Épinal du sommelier au gros ventre, nez rouge et tablier noir. La pratique de ces concours et la qualité des différents lauréats redonna ses lettres de noblesse à cette profession quasiment en voie de disparition dans les années 1960. L’appui des associations professionnelles et de l’ U.D.S.F. permit un renouveau du métier, profession prisée par les jeunes gens et jeunes filles qui trouvent là un métier multiple, ouvert au monde du vin, ou chacun peut s’exprimer suivant ses sensibilités, et surtout se passionner. Sans passion du vin, pas de grand sommelier, sans passion, pas d’homme du tout.
L’Éducation Nationale, en collaboration avec l’Union de la Sommellerie Française a mis en place des formations qualifiantes pour le métier de sommelier. D’abord une » mention complémentaire sommellerie » destinées aux jeunes diplômés de la restauration, puis un « brevet professionnel sommelier » destiné aux jeunes professionnels. Ces diplômes ont été rénovés afin de mieux coller à la réalité professionnelle. La relève est ainsi assurée.
La profession se féminise, la barrière due aux travaux de cave est tombée, peu de restaurants achètent encore du vin en pièce. Plus d’opérations fastidieuses de gerbage de tonneaux, de mise en bouteille. Le transport et la manutention des cartons n’étant pas inaccessibles à une femme. Il serait possible de philosopher sur les raisons de l’attrait des femmes pour ce métier, sur l’éventuelle désaffection des hommes, sur la concurrence des hommes et femmes dans le monde du vin, sur les qualités et les avantages d’employer les uns ou les autres. Le problème n’est peut-être pas là mais simplement dans la qualité humaine et professionnelle de ces hommes et ces femmes du vin.
En définitif, le sommelier est un homme de culture, un homme de terrain, un homme de savoir, un homme au service d’autres hornmes. Un personnage dans l’enceinte d’une brigade de restaurant, mais aussi le vecteur de l’image du vin et du restaurant dans les établissements les plus grands aux plus modestes.
Si tu connais les mystères de l’élaboration des vins,
Si tu goûtes et reconnais les vins,
Si tu sais être sage et attendre les vins,
Si tu connais l’histoire des vins,
Si tu respectes les vins,
Si tu t’intéresses au monde du vin,
Si tu es curieux des vins,
Si tu cherches toujours la satisfaction de ton client, amateur de vin ou non
Si tu sais tout ceci sans devenir vaniteux, orgueilleux et fat,
Alors, tu sera un sommelier, mon Fils…